Tchad : constats amers

26 septembre 2016

Tchad : constats amers

Farchana

 

Je suis crevé, j’en ai marre de réfléchir seconde après seconde. Je continue à réfléchir encore et encore sans trouver de réponse… Je réfléchis à comment m’exprimer sans toutefois déverser toute la rage et la colère qui sont en moi. Le fait est que l’envie d’écrire m’est revenue mais sous un constat amer. Comment en est-on arrivé là ? Comment ce pays, ou plutôt cet oasis, producteur de pétrole, grande nation et grande armée, premier sponsor africain en ligue 1 n’arrive-t-il plus à payer ses fonctionnaires depuis plusieurs mois ? Pourquoi les portes des universités tchadiennes sont-elles fermées depuis six mois ? Pourquoi le pays est-il aujourd’hui plongé dans une crise économique sans précédant ?

 

A propos de cette crise, un syndicaliste disait : « Le Tchad s’est tout simplement arrêté. »

 

Peut-être que le Tchad ne s’est pas encore arrêté… mais jusqu’à quand ceux qui nous ont plongés dans cette crise vont-ils nous demander de serrer encore et encore la ceinture ? Nous donner des leçons de modestie, ne pas voler, ne pas piller les biens publics, bref c’est comme supplier un vautour affamé de ne se rassasier qu’à moitié. Comprenne qui pourra.

Inégalités sociales

Nous ne sommes pas encore à la veille d’une équité sociale au Tchad, et, lorsque je prends encore le temps de me promener dans cette ville lassante appelée à tort Ndjamena* je dirais même que nous en sommes très loin. La crise actuelle le démontre. Les riches vivent dans leur monde et les autres survivent dans le leur. Préoccupées par le besoin, les adolescentes se prostituent sous le regard complice des parents. La société est détruite. On ne veut plus le bien, on veut le gain. On vit dans l’inconscience des véritables enjeux. Beaucoup de jeunes ont cédé à la tentation du gain et de l’argent facile par le biais de promesses, promesses d’un poste, promesse d’une intégration au sein de la fonction publique… Ils déposent leurs dossiers, croisent les bras, prient, consultent des pseudo marabouts, se disputent sur le Championnat d’Espagne… incapables de prendre leur destin en main.

Une classe politique moribonde

Il y a des moments dans la vie où certains se rendent compte qu’ils n’ont vécu que des échecs, des ratages, durant toute leur vie, par pure incompétence. Ils décident donc de changer de veste : pourquoi ne pas créer un parti politique ?  Ils mobilisent leurs enfants et leurs cousins (largement suffisant), là une chose est sûre : il n’y aura pas d’échec dans cette aventure. Ils font alliance avec le tout puissant parti au pouvoir, éternel gagnant, le Mohamed Ali de la politique, oui grâce aux « coups K.O ».

 

 

Sinon ils jouent à l’opposant politique. Ou plutôt à l’opposant le matin et au griot le soir. Parce-que dans ce monde politique fortement «griotisé», il n’y a pas de convictions politiques. On se soucie des préoccupations du peuple uniquement à l’approche des élections, on les oublie dès le lendemain. Les maires dans leurs bureaux, les députés dans leurs châteaux et le Président dans… je vous laisse deviner. Puis, suite attendue,  l’opposition crie à la fraude, elle organise des conférences de presse, elle réclame un dialogue et elle finit par entrer au gouvernement, chapitre clos.

Une censure de trop

Il est vraiment difficile d’être dans une situation difficile.

Des fils de dignitaires violent, ils filment et publient leurs actes horribles sur internet, et ce, sans la moindre crainte d’être inquiétés. A cause du tabou qui existe dans cette société et du népotisme de nos gouvernants, nous sommes piétinés et humiliés. Nous sommes devenus leurs serpillières.

Cerise sur le gâteau : quatre mois de censure sur les réseaux sociaux. Je ne serai pas étonné quand nos autorités parleront de problèmes techniques en évoquant la censure. Tous les réseaux sociaux sont bloqués y compris des sites n’ayant aucun lien avec le Tchad, comme Commentçamarche ou Openstreetmaps, tous sont blacklistés.

 

 

 

Dans un pays où le coût d’accès à internet est l’un des plus cher au monde, s’ajoute une censure aveugle. La paranoïa a atteint son paroxysme.

Besoin d’équité, de rigueur et de transparence, si on veut, un jour, voir ce pays loin de cette précarité,

J’me tire!

 

*Ndjaména : signifie étymologiquement « la ville où l’on se repose »

 

 

 

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Commentaires

Guy Muyembe
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Triste! Très triste!