Abdallah Azibert

Tchad : constats amers

Farchana

 

Je suis crevé, j’en ai marre de réfléchir seconde après seconde. Je continue à réfléchir encore et encore sans trouver de réponse… Je réfléchis à comment m’exprimer sans toutefois déverser toute la rage et la colère qui sont en moi. Le fait est que l’envie d’écrire m’est revenue mais sous un constat amer. Comment en est-on arrivé là ? Comment ce pays, ou plutôt cet oasis, producteur de pétrole, grande nation et grande armée, premier sponsor africain en ligue 1 n’arrive-t-il plus à payer ses fonctionnaires depuis plusieurs mois ? Pourquoi les portes des universités tchadiennes sont-elles fermées depuis six mois ? Pourquoi le pays est-il aujourd’hui plongé dans une crise économique sans précédant ?

 

A propos de cette crise, un syndicaliste disait : « Le Tchad s’est tout simplement arrêté. »

 

Peut-être que le Tchad ne s’est pas encore arrêté… mais jusqu’à quand ceux qui nous ont plongés dans cette crise vont-ils nous demander de serrer encore et encore la ceinture ? Nous donner des leçons de modestie, ne pas voler, ne pas piller les biens publics, bref c’est comme supplier un vautour affamé de ne se rassasier qu’à moitié. Comprenne qui pourra.

Inégalités sociales

Nous ne sommes pas encore à la veille d’une équité sociale au Tchad, et, lorsque je prends encore le temps de me promener dans cette ville lassante appelée à tort Ndjamena* je dirais même que nous en sommes très loin. La crise actuelle le démontre. Les riches vivent dans leur monde et les autres survivent dans le leur. Préoccupées par le besoin, les adolescentes se prostituent sous le regard complice des parents. La société est détruite. On ne veut plus le bien, on veut le gain. On vit dans l’inconscience des véritables enjeux. Beaucoup de jeunes ont cédé à la tentation du gain et de l’argent facile par le biais de promesses, promesses d’un poste, promesse d’une intégration au sein de la fonction publique… Ils déposent leurs dossiers, croisent les bras, prient, consultent des pseudo marabouts, se disputent sur le Championnat d’Espagne… incapables de prendre leur destin en main.

Une classe politique moribonde

Il y a des moments dans la vie où certains se rendent compte qu’ils n’ont vécu que des échecs, des ratages, durant toute leur vie, par pure incompétence. Ils décident donc de changer de veste : pourquoi ne pas créer un parti politique ?  Ils mobilisent leurs enfants et leurs cousins (largement suffisant), là une chose est sûre : il n’y aura pas d’échec dans cette aventure. Ils font alliance avec le tout puissant parti au pouvoir, éternel gagnant, le Mohamed Ali de la politique, oui grâce aux « coups K.O ».

 

 

Sinon ils jouent à l’opposant politique. Ou plutôt à l’opposant le matin et au griot le soir. Parce-que dans ce monde politique fortement «griotisé», il n’y a pas de convictions politiques. On se soucie des préoccupations du peuple uniquement à l’approche des élections, on les oublie dès le lendemain. Les maires dans leurs bureaux, les députés dans leurs châteaux et le Président dans… je vous laisse deviner. Puis, suite attendue,  l’opposition crie à la fraude, elle organise des conférences de presse, elle réclame un dialogue et elle finit par entrer au gouvernement, chapitre clos.

Une censure de trop

Il est vraiment difficile d’être dans une situation difficile.

Des fils de dignitaires violent, ils filment et publient leurs actes horribles sur internet, et ce, sans la moindre crainte d’être inquiétés. A cause du tabou qui existe dans cette société et du népotisme de nos gouvernants, nous sommes piétinés et humiliés. Nous sommes devenus leurs serpillières.

Cerise sur le gâteau : quatre mois de censure sur les réseaux sociaux. Je ne serai pas étonné quand nos autorités parleront de problèmes techniques en évoquant la censure. Tous les réseaux sociaux sont bloqués y compris des sites n’ayant aucun lien avec le Tchad, comme Commentçamarche ou Openstreetmaps, tous sont blacklistés.

 

 

 

Dans un pays où le coût d’accès à internet est l’un des plus cher au monde, s’ajoute une censure aveugle. La paranoïa a atteint son paroxysme.

Besoin d’équité, de rigueur et de transparence, si on veut, un jour, voir ce pays loin de cette précarité,

J’me tire!

 

*Ndjaména : signifie étymologiquement « la ville où l’on se repose »

 

 

 


Cinq nuances du racisme en Tunisie

Crédit: Wikipédia
Crédit: Wikipédia

Je sais que beaucoup d’entre vous se sont alarmés après l’élimination de la Tunisie lors de la dernière CAN et les actes racistes qui ont émaillé  cet évènement sportif. Le racisme est probablement ce qui est le plus partagé à travers le monde. Il n’a pas de couleur ni d’origine il est en nous, avec nous.

1-      Touche pas à mon Foot :

Ce soir du 31 janvier, j’étais personnellement surpris par le résultat du match. Supportant la Tunisie, je regardais le match tranquillement dans un café  jusqu’au coup de sifflet fatal de l’arbitre mauricien. Concert de zebbé ! Un penalty. Déçu, je sors avec mes potes. L’ambiance est à l’insulte, dénigrement et autres imbécilités sur l’arbitre et sans appel sur les Equato-Guinéens. Arrivés devant l’immeuble, un groupe de jeunes lance en notre direction :  » Dégage Hayatou, dégage les Africains, dégage Mamadou « . Sacrée foot ! Dire qu’on supportait il y a quelques minutes la même équipe.  Racisme ? Oui, mais c’est le foot  l’élément catalyseur.

2-      Les préjugés

Un préjugé, c’est comme la mauvaise haleine, ça ne devrait faire du mal à la personne, mais c’est la personne en face qui en souffre. Chaque individu construit son système de préjugés par apprentissage dans un certain contexte culturel ou religieux. Quand des policiers te disent abid (esclaves) ou que des enfants te lancent « Drogb », ceci démontre le sentiment qu’a construit chacun sans pour autant en avoir le pouvoir de démonstration.

3-      La religion

Attention danger ! Il paraît que la plupart des taximans sont des homosexuels. Oui ? Non ? En tout cas, le taximan, lui peut te raconter toute sa vie juste pour un petit trajet. Un jour, un taximan (du moins, il avait un taxi) m’a dit qu’il était à la cherche d’un Noir pour soi-disant faire l’amour. Sacrilège ! Une blague ? J’ai pensé que le gars me guettait peut-être depuis bien longtemps et que ce taxi n’était  qu’un alibi. Sinon, comment peut-on parler avec aisance d’un tel sujet avec un inconnu ? Mais la grande surprise a été sa dernière question;  question qui revient souvent d’ailleurs avec les taximans :  » Es-tu musulman ?  »  Où est le lien ? Ahh oui tiens ! Peut-être parce que je suis noir. Le Noir qui n’est pas pédé est-il absolument un musulman ?

4-      L’ignorance :

Pomme, orange, poire ou raisin, ce sont tous des fruits pour moi. Appelez quelqu’un Mamadou tout simplement parce qu’il a la peau noire, ça je trouve ignoble. L’ignorance, le non- éveil des mentalités, sont parmi les principales causes du racisme. L’ignorance et le racisme y vont de pair d’ailleurs. Cette pensée de Gide résume la situation : « Moins le Blanc est intelligent, plus le Noir lui paraît bête ».

5-      Africains et pas fier de l’être.

L’année passée, la mère d’un ami malien venue se faire soigner a refusé de prendre sa fiche et insisté qu’on la modifie. Motif ? Le médecin malgré ses sept ans d’études n’a pas hésité à mettre : nationalité africaine sur sa fiche. Et oui, c’est la question qui revient souvent : le Maghreb fait-il partie du continent africain ? Justement non. Tout comme la terre n’a jamais été ronde et que le PDG de Pepsi-Cola n’a jamais vendu de boisson gazeuse.

J’me tire

 


Mon Islam à moi

 

Crédit: commons.wikimedia.org
Crédit: commons.wikimedia.org

Il y a les musulmans, l’islam et moi, et j’aimerais ne pas tout mélanger. Tout ce qui m’entoure en ce moment précis, contribue à me soutenir dans cette ambition. Chaque jour, chaque semaine chaque mois porte son fardeau .Tout pousse à l’amalgame, au brouillage, au dérapage. En avril dernier, de centaines de filles ont été enlevées, violées et torturées par Boko Haram au Nigeria. En septembre, Hervé Pierre Gourdel, guide de haute montagne français a été décapité par les « Soldats du califat », un groupe djihadiste algérien. Il y a quelques jours, Un commando taliban a attaqué une école au Pakistan faisant 141 morts dont 132 enfants. Aujourd’hui, comme des milliers de personnes, je suis encore sous le choc de l’attaque terroriste contre l’équipe de l’hebdomadaire Charlie Hebdo. Les instincts de survie dans ces cas-là sont redoutables.

Ces barbares égorgent, décapitent et violent «  au nom d’Allah ». Peut -être qu’il ne sert à rien de s’opposer à des mécaniques infernales enclenchées par des inconscients et des apprentis-sorciers. Mais le soupçon est croissant et le dénigrement systématique. On a fait commerce de peur et de haine, de fantasmes et de crise d’identité. Si les tueurs ont crié « Allah Akbar », c’est aussi contre l’islam et les musulmans qu’ils ont agi.
Ils en sont aussi victimes, et sont tout aussi indignés et écœurés. Et dans un tel contexte, faire entendre une voix nuancée, qui condamnerait sans aucune équivoque cette tuerie mais qui refuserait les amalgames, sera difficile. Il le faudra pourtant. Je suis musulman et j’avoue avoir toujours vécu ma religion comme un facteur de partage de culture, des traditions. Elle m’apprit à respecter les autres religions et d’accepter l’autre tel qu’il est.

 

Mon Islam à moi, n’est ni terroriste, ni fondamentaliste. C’est plus d’un milliard d’individus, des langues, des civilisations et des cultures différentes porteuses de traditions extraordinaires. Mon Islam à moi est un mélange, c’est un ‘est un arc en ciel. Mon Islam à moi a fait descendre ses fidèles pacifiquement dans les rues des plus grandes villes pour exprimer leurs désaccords, leurs colères. Mon Islam à moi a riposté pacifiquement contre les caricatures de son prophète en 2006, en 2012, et continuera de le faire.

Et au-delà du chagrin et de la pitié s’inscrit le devoir de justice. Ce n’est pas par la haine et des actes xénophobies qu’on défend la liberté contre ses ennemis. Ceux -là qui crient « allahou akbar » au moment de tuer d’autres hommes, se trahissent par fanatisme l’idéal religieux dont ils se réclament. Ils espèrent que la colère et l’indignation trouvera chez certains son expression dans un rejet et une hostilité à l’égard de tous les musulmans. Ainsi se creuserait le fossé qu’ils rêvent d’ouvrir entre les musulmans et les autres religions. Allumer la haine, susciter par le crime la violence inter-communautaire, voilà leur dessein, au-delà de la pulsion de mort qui entraîne ces fanatiques qui tuent en invoquant Dieu. Refusons ce qui serait leur victoire. Et gardons-nous des amalgames injustes et des passions fratricides.

J’me tire


La Francophonie leur va si bien

Crédit: Wikipedia-francophone
Crédit: Wikipedia-francophone

J’adore le français. Ce n’est ni la langue de la science, ni la langue du business et ni la langue des nouvelles technologies. Mais la langue française est en train de se renouveler et se transformer, devenant une langue véritablement métisse et universelle. Cette langue n’est pas ma langue maternelle, mais à vrai dire, je n’ai pas souvenir d’avoir « appris » le français. Tout ce que je sais, c’est que j’ai commencé à pratiquer cette langue à partir de la maternelle. Normal :  le Tchad était une colonie française.

Une bonne nouvelle en ce jour pour les francophones: une femme a été nommée au poste de secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) lors d’un huis clos des dirigeants ce dimanche 30 novembre 2014 à Dakar. Michaëlle Jean, ex-gouverneure générale du Canada, âgée de 57 ans est la première femme à accéder à ce poste. Mais la Francophonie est en retard économique. Seuls deux sont francophones sur les vingt pays les plus riches du monde. L’Afrique à travers sa partie francophone reste dépassée par les États anglophones plus responsables et faisant preuve d’une plus grande capacité d’innovation.

Pourtant, le français est un atout économique. Les 77 Etats et gouvernements membres de l’OIF représentent 14 % du revenu brut mondial et 20 % des échanges commerciaux à l’international. La langue française se situe dans le peloton de tête sur Internet et les réseaux sociaux, occupant la quatrième place par le nombre d’internautes. Elle est en troisième position dans les blogs et sixième dans YouTube. Le français est considéré comme la troisième langue des affaires dans le monde après l’anglais et le chinois. Le nombre de francophones dans le monde est passé de 220 millions en 2010 à 274 millions en 2014. L’Afrique malgré la faible qualité de son enseignement est la région où la progression est la plus forte avec une augmentation de locuteurs de 15 % en moyenne en Afrique subsaharienne. Donc, l’avenir démographique de la langue française se joue en Afrique.

On ne peut parler de Francophonie sans l’Afrique

L’Homme africain a marqué l’histoire tout comme la Francophonie. Les locuteurs du français parlé en Afrique ont inventé nombre de mots qui enrichissent notre langue commune. Le français au contact des différentes cultures se renouvelle et se réinvente en « s’ivoirisant », « se malinkisant » ou « se malgachisant ».

J’me tire

 


Chez moi, République des “sans-dents”

Va_donc_chez_le_dentiste,_nigaud!_(Well_then_go_to_the_dentist,_fool!)

OUI, il y a sur cette terre des illettrés, des ouvriers, des chômeurs, des sans domiciles, des sans-papiers… des sans-dents. Bref, comme il y a toujours eu des pauvres, des moins pauvres, des riches et des richards.

Dans son livre Merci pour ce moment, Valérie Trierweiler, ex-compagne de François Hollande révèle à propos de celui-ci : « Le président n’aime pas les pauvres. Lui, l’homme de gauche, dit en privé : “Les sans-dents”, très fier de son trait d’humour. » Pour avoir lu son livre (je l’ai téléchargé en version numérique piratée et merci aux internautes d’avoir pensé aux  autres ‘sans-dents’), je dirais que les propos sont moqueurs oui, mais Valérie Trierweiler se venge. Elle a été profondément et surtout publiquement humiliée. Alors, elle voulait faire mal et c’est réussi.

En tous cas, elle vient de gagner de quoi s’acheter une magnifique villa avec son petit bouquin laissant derrière une armée de médias face à un homme qui fait de son mieux pour son pays. Je préfère les gens qui sont humains, et j’aime bien les traits d’humour. Et effectivement, si chacun d’entre nous devait être jugé sur ce que raconte son ex, franchement, je ne sais pas qui s’en sortirait avec les honneurs. Surtout si lesdits racontars se monnayent en fonction de leur cruauté. Le manque de respect à l’égard des plus pauvres est bien sûr indigne. Aussi que l’indifférence face à leur sort est aussi insupportable.

Si l’on écoute les hommes politiques, la France ressemble à l’enfer : un territoire peuplé de malades, de tricheurs, de girouettes, de sans-dents … Charmant ! Les Français font comme si ils vivaient sur des braises. Détendez-vous ! Il y a pire ailleurs.

Ici, au Tchad, le pétrole coule à flots, pour le bonheur d’une petite élite

C’est la faute des pauvres s’ils sont pauvres. On aime souvent indexer les pauvres. Le pauvre, c’est laid, ça pue et c’est tout voleur et compagnie. Alors si c’est le cas, permettez-moi de dire que chez moi, les pauvres ne sont pas seulement ‘sans-dents’. Ici, au Tchad, le pétrole coule à flots, pour le bonheur d’une petite élite Pays parmi les plus pauvres de la planète. On s’attend à quoi ? Les villages, les mornes arides et les savanes désolées constituent des espaces de misère dépourvus de toute forme d’infrastructure. Là, il y a des gens qui survivent mais ne vivent pas, des gens qui ont une existence au sein du pays mais pas de citoyenneté. Dans ce pays, les pauvres représentent plus de 70 % de la population et ils sont réduits à l’état de minorité par les élites politique et économique.

Ici, c’est toujours le pauvre qui est le premier à chanter la gloire des plus hautes autorités. C’est lui qui applaudit sous le soleil au passage du cortège présidentiel, c’est lui qui chante et danse lors des campagnes électorales, c’est lui dont on achète le vote pour 1 kilo de sucre. C’est toute une République des pauvres, avec une population pauvre. Ici, la pauvreté c’est non seulement ces statistiques savantes qui nous parlent de seuil de pauvreté, mais tout un système. Le pauvre n’est pas que ‘sans-dents’, mais aussi sans oreilles, sans cerveau, sans yeux, sans bouche… SANS RIEN.

J’me tire